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25 février 2008

Cameroun, rescapé des émeutes. Témoignage

Par Joël A. Grandjean

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20080225EmeutesDoualaDouala, le 25 février 2008. Ils sont cent, plus de cent. Des jeunes émeutiers, armés de machettes, de barres de fer ou de bois, s’agglutinent aux portes de l’hôtel Saffana, dans la périphérie de Douala. La grève annoncée, suite à l’annonce d’une hausse des carburants, vire à l’émeute. Nous sommes les otages d’une situation délétère.

Dans la chambre, mon épouse et mes deux petites filles de 6 ans et 18 mois. Par les fenêtres, depuis trois jours, dès la fin de la journée jusqu’au petit matin, j’assiste à des scènes de pillage ponctuée d’incursions militaires. Une foule incontrôlable de jeunes casseurs met le quartier à feu et à sang, s’en prenant aux vitrines et stations essence, brûlant sur place tout véhicule en mouvement, moto ou voiture. Juste avant, des taxi-drivers se font arrêter, dépouiller, de même que leurs passagers. Je suis dans l’épicentre de la poudrière, en lisière de l’ « axe lourd », cette artère qui relie Douala à Yaoundé. C’est là que tout a commencé. Le mouvement de protestation s’étend au reste de la ville de Douala, puis du pays et de ses principales métropoles. Il y a des coups de feu, des morts, des blessés.

« Je monte le son de la télé, je ne veux pas que ma fille de six ans s’inquiète. »

Ici et là, des pneus enflammés jonchent le goudron, transformant leurs foyers, la nuit venue en véritable apocalypse. L’atmosphère est lourde, tendue. De mon poste d’observation, j’observe le gain d’amplitude du mouvement. Ça y est, ils s’en prennent à la station Total qui se trouve de l’autre côté de la route. Avec une rare violence, tout vole en éclats, malgré les rideaux de fer et les armatures de protection. Le vacarme est ahurissant, entrecoupé de tirs.

Dans ce quartier banlieue, juste après le quartier Newton, à quelques kilomètres de l’aéroport, il ne reste plus rien à piller, sauf l’hôtel. Les renforts militaires annoncés tardent à venir. Eux seuls sont craints ici, car on sait qu’ils ont la consigne de tirer à vue. Ainsi, lorsqu’un premier convoi transite par ce carrefour, la débandade est générale. Vandales et badauds se mélangent en une fuite éperdue vers les ruelles en terre battue qui s’enfoncent dans les sous-quartiers. Ils passent sous mes fenêtres. Hélas, cette fois-là, les soldats passeront leur chemin. Je suis au cœur d’une zone de non droit absolu.

Réconfort consulaire.

La Consul Général de Suisse, Mme Françoise Bertschi de Yaoundé, m’appelle, au même titre que tous les Suisses vivant ici. Son attaché à Douala également. Leurs consignes sont strictes. « Restez enfermés dans votre chambre, ne sortez sous aucun prétexte, votre vie en dépend. » J’ai beau expliquer que mon hôtel n’est pas de la catégorie de ceux qui sont barricadés et gardés, entourés de militaires… Pendant que je parle, les rebelles se dirigent à nouveaux vers l’hôtel. Leur attention est providentiellement distraite par le passage d’un inconscient qui tente de faire quelques mètres avec sa voiture. Tous se ruent sur lui, l’extirpent de son véhicule qui, malgré ses suppliques, sera brûlé sur le champ.

Aide inattendue du TCS.

IMGP1623Malgré les consignes, ma décision est sans appel. « Coûte que coûte, quitter l’hôtel… » Le téléphone de la chambre retentit. C’est la réception. « Gardez l’écoute. » A l’autre bout, le TCS et le Service assistance du Livret ETI. Bertrand Grillon, Chef de plateau, m’informe d’une voix rassurante qu’une ambulance est en route pour nous sortir de là. Elle sera là dans 45 minutes. L’idée de ce stratagème lui a été soufflée par M. Bellot de Cameroun Assistance, son contact à Douala. J’avais pris la peine, avant même d’appeler l’ambassade, d’informer le Club et de lui indiquer ma position. Il m’explique qu’ils ont remué terre et ciel, jusqu’au DFAE, et que face à la gravité de notre situation, seule la parodie d’un transfert sanitaire pouvait donner le change.

J’installe ma petite fille sur le brancard, nous engouffrons nos bagages pêle-mêle. Je me tapis au fond de l’ambulance, à l’abri des regards haineux, mon épouse prend place avec notre bébé. Nous franchissons ainsi trois barrages vociférants. Nous atteignons enfin l’aéroport. Sains et saufs ! Notre vol vient d’être annulé, qu’importe nous sommes en sécurité. Finalement, c’est avec le concours de l’Ambassade qui nous délègue M. Yannick Aplogon, Directeur de Swiss Airlines, que nous pourrons embarquer sur le vol suivant, celui d’Air France. Le seul qui ce soir-là, prend le départ de Douala… Ai-je seulement assez remercié les deux ambulanciers ? Ils sont repartis vers la fournaise, comme ils sont venus, débordant des valeurs de leur sacerdoce.

e9d9649a_e57e_11dc_8a92_63cbc2eb5f8bEncadré > Les raisons de la colère :

Qui a mis le feu aux poudres ? Comment un pays réputé calme vire au chaos, en quelques heures ? L’annonce d’une hausse de carburant et donc d’une grève des transports vient de donner une raison de tout casser aux laissés pour compte. Une bonne occasion également d’en ressortir les poches pleines de provisions volées. Quant on sait que dans ce pays d’Afrique, comme dans d’autres, le vol est puni par lynchage public, on peut comprendre l’enjeu qui, hormis la colère, attise la vindicte des émeutiers. Il y a toutefois cette évidence. « Notre pays produit du pétrole, et donc, au lieu d’augmenter, les prix devraient baisser… » Tout le monde est d’accord sur ce point, d’autant qu’à CFA 600 le litre, le plein d’un gros réservoir correspond à plus d’un salaire mensuel moyen.

Il y a également, en arrière-fond, le contexte politique. Le Président Paul Biya, à mi-parcours de son deuxième mandat de sept ans, est en pleine phase d’aménagement constitutionnel. Les Camerounais ne sont pas dupes et les partis d’opposition, malgré les brimades, ont tout intérêt à ce qu’une simple grève se mue en mouvement de contestation nationale. D’autant que dans ce contexte d’immobilisme, le « grand absent » -c’est le sobriquet de son excellence présidentielle, vient de doubler le salaire des députés… La paix, comme la vie, ne tient qu’à un fil.


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