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21 juillet 2008

Opinion: Horlogers, refermez votre capot !

Par Joël A. Grandjean / TàG Press +41
Pour Heure Suisse - Schweiz N° 94 - Chronique.

G0A33112_profileTélécharger l'article, page 72.

"Une overdose de technicités montrées, d'informations si subtilement suggérées qu'elles se devinent plus qu'elles ne s'affichent..."

Vous avez d’abord fait un premier «trou» dans le cadran, pour nous permettre d’admirer la complication du Tourbillon. L’idée n’était pas neuve. Déjà, la mythique Sarcar avait fait de ce genre d’ouverture, sa composante identitaire, rejointe ensuite par Frederique Constant ou Pilo & Co. De même, la tradition des montres squelettes, dont presque chaque grande marque se réclame dans sa gamme, permettait aussi cet accès aux beautés intérieures. Puis, vous avez instauré le diktat des glaces saphir pour remplacer les fonds opaques des montres. Je me souviens que feu la marque MHR et sa fondatrice Marie-Dominique Pibouleau se refusaient à y céder. D’après vous, l’usager lui-même, assoiffé de curiosités manufacturières, aspirait à ces visions mécaniques, entre observations des organes réglants et rêveries dans l’entrelacs des rouages et de leurs pulsations. Puisque sa montre mécanique n’avait plus qu’accessoirement la vocation de donner l’heure –un attirail d’effets personnels et de conforts technologiques s’y substituant, autant le rassasier d’aperçus techniques. Hélas, les ouvertures se sont agrandies. Ici vous avez démesurément étiré un guichet date, là volontairement écartelé un orifice tourbillon. Une overdose de technicités montrées, d’informations si subtilement suggérées qu’elles se devinent plus qu’elles ne s’affichent. Vous avez érigé le détail en primeur, le filigrane en indispensable. A tel point qu’aujourd’hui, une nouvelle race de garde-temps se passe carrément de cadran ! Un peu comme si un amateur de voitures anciennes renonçait définitivement à refermer son capot, de peur qu’on ne puisse admirer la magnificence de ses pistons, le rutilement de son moteur. Certains d’entre vous, grisés par cette quête du tout manufacturier, ont laissé leurs designers s’en prendre maintenant à la forme de la montre elle-même. Avions-nous besoin de tant de rondeurs, d’ovales et de rectangulaires, de tonneaux remis au goût du jour ? Prétextant votre appartenance à cette niche si select de la haute-horlogerie, high mechanical s’entend, vous vous êtes convaincus des hypothétiques attentes d’un marché rassasié de classicismes redondants. Sont arrivées alors dans vos catalogues, des blocs massifs, techniques, des constructions robustes et légères, sans aiguilles ni index, des concept-watches parfois en état de marche. Au risque de vous casser un peu, j’attends que vous me fassiez parvenir les modes d’emploi qui me réapprendront la lecture de l’heure selon vos nouveaux codes. Tandis que des milliers de gens continuent d’affectionner les Oyster, de fantasmer sur une Patek Philippe déjà portée ou une Tank basique, au risque de vexer vos designers éclairés et vos constructeurs désinhibés, je vous avoue rêver benoîtement d’une bonne vieille Altiplano de Piaget, même en version extra-plate 2008…

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